Mathon Cédric
Psychologue pour adulte |
Nombreux sont les pièges qui émaillent la communication dans une relation de couple.
En thérapie de couple, il est souvent nécessaire de montrer à quel point les partenaires ont pris l’habitude de « supposer » l’autre plutôt que de l’écouter, au risque bien souvent de plaquer sur lui des idées, des sentiments, des attentes… qui ne sont au final que le fruit de nos propres attentes.
Je voudrais ainsi évoquer maintenant quelques-uns des piéges, des malentendus, des conflits parmi les plus fréquents qui peuvent surgir dans une relation de couple et qui se font immanquablement jour en thérapie de couple.
Un des pièges, subtil mais très impactant dans le temps, c’est quand l’un des deux partenaires va se mettre à parler sur l’autre. C’est quand l’un des deux va se mettre à tenter de le définir.
A travers des choses qui apparaissent sympathiques au début, du genre « tu devrais te couper les cheveux. Tu devrais porter des jupes plutôt que des pantalons. Tu devrais t’intéresser au cinéma ou encore au tennis », on tente finalement de dicter à l'autre comment il devrait être, quels devraient être ses désirs.
En thérapie de couple, ce « piège » se retrouve souvent exprimé dans la gestion du désir sexuel. En thérapie de couple, se retrouve ainsi souvent exprimé le décalage né lorsque l’un tente d'imposer à l'autre par exemple son désir sexuel.
Que l’un ai le désir de faire l'amour avec l'autre est en soi un désir merveilleux. Mais là où ça devient dysfonctionnel c’est quand l’un a le désir de l’autre et qu’il présuppose celui de sa / son partenaire. Comme si cela supposait ou imposait une sorte de réciprocité.
On retrouve souvent en thérapie de couple le récit d’hommes qui, rentrant de voyage ou simplement du travail, expriment par leurs gestes ou attitude l’envie d’un rapport sexuel dans l’expression d’un désir immédiat… qui n’est pas forcément réciproque. Non par absence d’envie ou d’amour. L’homme impose bien souvent sa volonté de relation alors que la femme attend bien souvent la rencontre, les retrouvailles sur un plan plus symbolique.
C’est là l’un des malentendus les plus fréquents dans les relations hommes-femmes que les partenaires nous narrent en thérapie de couple. Chez l’un, souvent chez l’homme, le désir a tendance à s’imposer là où l’autre, souvent la femme, exprime comme préalable un besoin d’être vu, reconnu pour ce qu’il est et non pas comme simple réceptacle du désir de l’autre ; désir qui serait finalement assez indépendant de ce que ce partenaire espère être…
Je me souviens d’un homme qui, après avoir entendu sa femme en thérapie de couple, avait formulé assez justement que finalement celle-ci « attend peut-être que je la vois, que je la regarde, que je lui parle, que je m’intéresse a sa personne avant de m'intéresser à sa poitrine.. » Il y a comme cela une sorte de terrorisme du désir quand le désir de l’un veut s’imposer sur celui de l’autre.
L’un des autres « pièges » que l’on rencontre invariablement en thérapie de couple, c’est quand celui-ci pratique la relation « klaxon », la relation où le « tu tu tu » prend toute la place. Le « tu » du reproche, le « tu » accusateur. C’est quand nous parlons sur l’autre et non à l’autre. Finalement, c’est quand nous définissons là encore l’autre.
Dans une relation de couple, nous devrions, mais au fond comme dans la plupart des relations, utiliser la relation en « je », un message personnalisé, partant de soi vers l’autre.
Ainsi, en thérapie de couple, combien de fois n’entendons nous pas les « tu devrais maigrir, tu devrais t’habiller autrement, tu devrais mettre moins de sel dans la soupe ». Le travail à engager alors dans un premier temps en thérapie de couple est d’apprendre aux partenaires à partir de soi, de ses attentes (forcément relatives, et donc négociables). Faire des critiques l’expression finalement de ses attentes, souhaits, désirs. Pour reprendre les critiques formulées juste avant, une formulation plus constructive est alors « c'est vrai que je te préfère avec trois kilos en moins, c'est vrai que je préfère plutôt en jupe quand un pantalon,… »
Cette remarque peut paraître banale. Mais contrairement à ce que beaucoup de gens croient, le couple, les crises dans les couples ne naissent pas tant d’un éventuel adultère. En thérapie de couple, le premier fléau se retrouve souvent dans l’expression au quotidien de ces « tu » qui enferment la discussion dans l’accusation. C’est l’accumulation de ces parasitages au niveau de leurs relations qui plombent la dynamique de nombreux couples.
Et le diable se plait à se cacher dans les situations les plus ridicules, les plus insignifiantes. Que dire de ce couple accompagné en thérapie de couple qui, une séance entière, s’est écharpé sur la manie de monsieur de ne pas refermer le tube de dentifrice. Et madame de pointer ce manque de respect pour le rangement, pour ses affaires (oui, le dentifrice s’assèche…)… tout en ne manquant pas de signaler très souvent à son conjoint comment un tube se ferme, joignant le geste à l’ironie infantilisante… Mais le tube étant finalement fermé par madame, pourquoi monsieur aurait-il changé ?
Jusqu’à ce que madame ne troque son TU accusateur en JE actif et d’acheter son propre tube de dentifrice, laissant monsieur avec son dentifrice sec…avant la fin de la thérapie, celui-ci fermait son tube…
Je sais que cela peut paraître puéril, insignifiant. Tout ces petits faits, pris ponctuellement, bien sûr sont risibles, sont puérils, sont bénins. Mais répétés des dizaines de fois par jour, ils viennent cristalliser rancœur et incompréhension et maltraitent la relation. Ce sont bien souvent ces détails que les thérapies de couple retravaillent avant de comprendre qu’ils ne sont que les symptômes d’une communication défaillante, où le TU nous évite d’aller à la rencontre de l’autre, et de notre JE.
En fait, pour ne pas maltraiter la relation, il convient bien souvent de faire comprendre à des partenaires engagés dans une thérapie de couple, que derrière un reproche, il y a une demande. Aussi, plutôt que d’engager l’autre dans le reproche, le conflit (involontaire de sa personne finalement car davantage axé sur mes besoins, souhaits, envie,…), il est important d’apprendre à exprimer son désir, son « je ». Ainsi, plutôt que de reprocher à son partenaire de ne pas l’avoir appelé, pourquoi ne pas exprimer son besoin de ce contact, ce manque de lui ? Ainsi, on évite le conflit, on évite « l’ordre », pour en faire un besoin. On permet également à l’autre de mieux connaître nos attentes, nos besoins que les habitudes, le quotidien, transforment bien souvent en consignes…
C’est finalement toujours et encore, en thérapie de couple, apprendre à parler de soi à l’autre plutôt qu’à parler sur l’autre.