Mathon Cédric
Psychologue pour adulte |
Comment se parler quand, dans le couple, la communication violente, avec ses éclats de voix, ses assiettes cassées et ses pleurs amers, prend le dessus ? Gageons que les cris et les insultes ne sont pas le meilleur moyen de se faire comprendre, « entendre » ! Les principes de base de la CNV (communication non violente) nous font découvrir l'art et la manière de se parler sans attaquer ni faire culpabiliser l'autre.
Nous pouvons ne pas être d'accord, être franchement opposés à ce qu'a fait ou dit notre partenaire, les envolées en décibels ne feront qu'envenimer une situation déjà problématique.
Imaginons notre conjoint très en retard pour le dîner. Nous savons que c'est souvent son habitude, mais aujourd'hui, les limites sont dépassées. Il ne répond ni à son bureau ni sur son portable et ne nous a évidemment pas prévenu. Il arrive, contrarié, agacé, épuisé et n'a même pas le temps de nous expliquer ce qui s'est passé, que nous l'agressons rageusement : « Non mais tu as vu l'heure? Tu te moques de moi ! Je t'attends comme une idiote. Tu me bloques, je ne peux rien commencer parce que je sais que tu voudras passer tout de suite à table. Je n'en peux plus que tu n'aies aucune considération pour moi. C'est insupportable. » Des le début de notre tirade, il s'est recroquevillé, a serré les mâchoires et blini « Tu as fini de m'agresser? On va dîner. »
Nous sommes en présence de deux personnes ignorant tout de 1a CNV. Expliquons-leur l'alternative positive...
« Ah, te voilà. Il ne t'est rien arrivé de fâcheux ? Je me suis inquiété pour toi. »>
« Quelle poisse, tu ne peux pas savoir. Faire tout un cake pour un petit accrochage. Rien de grave mais avec une espèce de parano qui ne voulait pas reconnaître sa responsabilité ! Finalement, je suis arrivé à mes fins, mais ça a pris plus d'une heure! Et lorsque j'ai voulu te téléphoner, ma batterie était à plat. Je n'ai pas osé lui demander son téléphone car je crois qu'il m'aurait sauté à la gorge. Je suis désolé que tu te sois inquiété. Pardon, pardon, pardon ! »
C'est respectueux, amical, sympathique et réaliste : chacun est reconnu dans sa peine, sa difficulté, personne ne culpabilise personne. Voilà un couple prêt à passer une bonne soirée. Pourquoi n'adoptons-nous pas, systématiquement ce comporte-ment ouvert, sympathique et efficace ?
Peut-être simplement faute de le connaître et d'en avoir analysé les bénéfices. Agresser l'autre le rend sourd à nos demandes, fermé à notre peine, peu enclin à nous aider. Nous réagissons évidemment de même. Lorsque notre conjoint nous agresse, qu'il ait tort ou raison, nous pouvons arrêter le processus en lui disant : « Tu sais, lorsque tu me parles en criant, cela me blesse et je n'ai pas envie de t'écouter, même si tu as raison. As-tu envie de me faire mal ou ton intention est-elle de me faire comprendre quelque chose ? »
Nous repérons qu'a un essai d'apaisement le conjoint répond par une phrase culpabilisante. Il aurait pu dire pour ne pas risquer de bloquer la communication : Lorsque tu fais telle chose (description factuelle de ce qui l'agace chez l'autre), j'ai l'impression que je ne compte pas pour toi. Je te le répète encore et encore, et tu ne changes pas d'attitude. Imagines-tu comme je peux me sentir ignoré et même que je puisse quelque-fois douter de ton amour? Dois-je vraiment en conclure que mon bonheur t’indiffère? — Non, excuse-moi, s'il te plaît. Je n'avais pas réalisé que tu te sen-tais blessé. Ce n'était en aucun cas mon intention. Je croyais que cela n'avait pas d'importance. Maintenant que je l'ai compris, je t'assure que je vais faire attention. »
Ces dialogues nous semblent-ils à l'eau de rose, manquant de spontanéité, très « leçon à réciter » ? Avec un peu d'habitude, nous apprécierons de ne pas transformer nos conversations ou nos désaccords en batailles rangées aussi délétères que blessantes. Rappelons-nous que notre conjoint n'est, en principe, pas un ennemi ! Si nous pouvions essayer d'arrêter de culpabiliser l'autre à tout propos, l'atmosphère de notre quotidien en serait beaucoup plus respirable.
Mais notre culture judéo-chrétienne est extrêmement culpabilisante et s'en affranchir est une décision qui demande de l'entraînement. Imaginons ne pas vouloir peser sur notre conjoint, que notre souhait soit qu'il se sente heureux avec nous et réciproquement. Au lieu de lui distiller du fiel, pourquoi ne pas lui demander ce que nous désirons ? La CNV transformera un « Tu n'as pas encore acheté le pain » en « Pourras-tu acheter le pain, s'il te plaît ? Pour ne pas oublier, tu peux peut-être mettre un rappel sur ton téléphone ? » Un « Peux-tu faire la vaisselle, s'il te plaît? » est préférable à : « Je suppose que tu attends que ce soit moi, une fois de plus, qui fasse la vaisselle?! »
Parlons-en ensemble et essayons d'adopter dans notre quotidien, avec notre conjoint, nos enfants, nos amis et nos collègues, ce mode de communication tellement plus agréable et efficace. Lançons-nous des défis : une journée, un week-end, sans reproche ni culpabilisation mais avec des vraies demandes ouvertes et légères. N'oublions pas de dire ce que nous apprécions. Remercions notre conjoint pour ses attentions. Ne lésinons pas sur les compliments, La CNV aide à être en harmonie avec les autres et à adopter une communication constructive.